À la lumière des récentes déclarations de Mario Draghi soulignant la complaisance qui gangrène l’économie européenne, il convient de rappeler combien ce constat résonne douloureusement avec la réalité quotidienne de l’industrie luxembourgeoise et au-delà, de l’ensemble du tissu productif européen. Un an après la publication de son rapport sur l’avenir de la compétitivité de l’Union européenne, l’ancien président de la Banque centrale européenne, fort de sa longue expérience, ne fait là qu’exprimer à haute voix ce que nombre d’industriels et d’investisseurs ressentent : cette propension à différer les décisions difficiles, à privilégier l’attentisme plutôt que l’innovation courageuse, finit par exposer l’économie européenne à de graves périls de compétitivité et d’attractivité. Les retards cumulés par rapport à nos principaux concurrents sont trop visibles pour continuer à être ignorés ou niés. Et les récents conflits géopolitiques ainsi que les tensions accrues dans les relations commerciales internationales n’arrangent pas les choses.
Cette thématique de la perte de compétitivité a trouvé un écho dans le programme de la nouvelle Commission européenne, confirmé dans ses grandes lignes dans le premier discours post-élections sur l’état de l’Union que la présidente, Ursula von der Leyen, a prononcé le 10 septembre dernier. Si l’ambition affichée de renforcer la souveraineté industrielle et de stimuler la croissance verte est louable, la FEDIL observe que la mise en œuvre concrète des annonces brille souvent par sa lenteur et sa dilution dans les procédures. Les entreprises, soumises à un environnement réglementaire instable et surchargé, peinent à se projeter et à investir dans l’innovation de rupture. Le fossé entre les objectifs affichés et les réalités du terrain se creuse, exacerbant le sentiment d’insatisfaction et de frustration qui traverse aujourd’hui les milieux économiques.
Sur le plan réglementaire, la multiplication récente des marches arrière effectuées ou annoncées sur toute une série de directives ou de règlements adoptés avant les dernières élections européennes illustre parfaitement l’insouciance avec laquelle certains textes avaient été préparés et décidés. Elle révèle également la déconnexion de ces décisions avec la réalité économique. En effet, plusieurs dispositions ainsi créées imposent aujourd’hui des coûts et des contraintes excessives à nos entreprises. Aujourd’hui, lorsque nous tournons notre regard vers Bruxelles ou vers une majorité d’États membres, nous constatons que les signaux envoyés de longue date par les milieux économiques, non pas pour défaire mais pour améliorer le cadre réglementaire, semblent avoir été compris.
Le FEDIL Industry Day qui s’est déroulé quelques heures après le discours sur l’état de l’Union européenne a donné l’occasion à de nombreux intervenants de rappeler, sans détour, la nécessité d’un sursaut collectif. Frederik Persson, en particulier, a martelé les mots clés « urgence » et « unité dans l’action » : deux impératifs qui, à ce stade, peinent encore à s’incarner pleinement dans les politiques publiques européennes. Le président de BusinessEurope n’y a pas passé sous silence le rôle important des fédérations d’entreprises qui sont appelées à s’impliquer en soumettant et en défendant des pistes concrètes d’amélioration. En effet, il ne s’agit plus seulement de diagnostiquer les faiblesses, mais de passer à l’action avec une détermination commune. La FEDIL partage ce constat. Ne pas rester dans un état de lamentations, mais contribuer à surmonter une certaine paralysie décisionnelle autour des réformes et mesures d’amélioration nécessaires en élaborant et en soumettant des propositions constructives et en faisant preuve d’une implication exemplaire privilégiant la cohérence et la rapidité d’exécution.
Au-delà de ces constats, il importe de rappeler que le marché unique, pierre angulaire de la construction européenne, conserve un potentiel considérable d’amélioration. Trop souvent fragmenté par des divergences nationales ou alourdi par des procédures, il gagnerait à être simplifié, harmonisé et pleinement exploité afin d’offrir aux entreprises un environnement réellement intégré et compétitif.
En définitive, la FEDIL plaide pour que les débats européens s’ancrent davantage dans la réalité, dans l’écoute active de celles et ceux qui créent, produisent et innovent, et dans la reconnaissance des urgences. Il est temps que l’Europe se donne les moyens de ses ambitions, en conjuguant vision stratégique, capacité d’adaptation et rapidité d’exécution. Faute de quoi, la complaisance dénoncée par Mario Draghi continuera de nourrir les doutes et les inquiétudes quant à l’avenir industriel du continent et l’Europe restera spectatrice de son propre décrochage économique au profit d’autres continents plus réactifs.